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La Cour constitutionnelle polonaise réfute la primauté du droit européen : en route vers le Polexit ?

 

Cette année, nous lançons une nouvelle rubrique, intitulée « Focus ». Chaque mois, un article sera mis en ligne sur notre site internet pour expliquer un enjeu majeur de l’actualité européenne. Pour ce « Focus » du mois d’octobre, nous allons nous intéresser à la crise qui agite l’Union Européenne ces derniers temps. En effet, des tensions ont éclaté entre la Pologne et l’Union Européenne. Que retenir de cette crise ?

 

Des divergences de longue date

La relation complexe entre l’Union Européenne et la Pologne ne date pas d’hier, au contraire les divergences ne cessent d’accroître depuis plusieurs années. Dans un premier temps, l’arrivée au pouvoir du parti Droit et justice (Prawo i Sprawiedliwość / PiS) depuis 2015 ne facilite pas les relations avec l’Union Européenne. En effet, ce parti de droite est réputé pour être conservateur et euro-sceptique. Par ailleurs, le président Andrzej Duda, en poste depuis le 6 août 2015, est issu de ce parti. Dès 2017, les relations entre la Pologne et l’Union Européenne se sont cristallisées puisque l’Union Européenne a déclenché l’article 7 du traité de l’Union Européenne pour répondre à la mise en place de réformes de la justice polonaise, jugées controversées. L’article 7 donne la possibilité à l’Union Européenne de sanctionner un État membre qui ne respecterait pas ses valeurs fondatrices.

 

L’élément déclencheur

Les tensions ont été ravivées le 15 juillet 2021… la Cour de justice de l’Union Européenne a jugé non conforme une réforme judiciaire polonaise instaurant un nouveau système de sanctions disciplinaires contre ses juges. Pour la Cour, ce nouveau système « ne fournit pas toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance. » Par ailleurs, en juillet, la Commission Européenne a aussi lancé une procédure d’infraction contre la Pologne en réaction à l’adoption de « zones sans idéologie LGBT » dans certaines villes. Pour répondre à ces différentes mesures prises par l’Union Européenne, la Cour constitutionnelle polonaise a été saisie par le Premier ministre Mateusz Morawiecki, le 7 octobre 2021, pour affirmer la primauté du droit national sur le droit européen. Via cette démarche, le tribunal constitutionnel polonais conteste les articles 1 et 19 du traité de l’Union Européenne. L’article 1 fonde l’Union Européenne sur la base du droit international public, tandis que l’article 19 concerne les dispositions relatives aux institutions. L’objectif de la Pologne est donc de s’émanciper de la primauté du droit européen concernant sa politique interne. Varsovie n’a pas mis fin aux activités de la chambre disciplinaire de la Cour Suprême concernant les réformes judiciaires. C’est pourquoi, la Cour de justice de l’Union Européenne a condamné, mercredi 27 octobre, la Pologne à payer une astreinte d’un million d’euros par jour à la Commission européenne.

 

L’impact pour l’Union Européenne

Cette crise met en évidence une certaine fragilité du droit européen, notamment à cause de l’absence de constitution européenne. En effet en remettant en cause la primauté du droit européen, le Pologne pourrait ouvrir la voie à d’autres membres ayant des penchants euro-sceptiques comme la Hongrie par exemple. De plus, ce rejet de la primauté du droit européen pourrait également être perçu comme une remise en cause de l’Union Européenne en elle-même car la décision polonaise touche un principe fondamental de l’Union Européenne.

 

Quelles pistes pour l’avenir ?

Bien que plusieurs articles de presse aient mis en avant la possibilité d’un « polexit », Jaroslaw Kaczynski, le chef du PiS, a déclaré : « Il n'y aura pas de Polexit ». Dans un poste Facebook, il a aussi assuré que « la place de la Pologne est et sera dans la famille européenne des nations ». De plus, plusieurs manifestations ont eu lieu en Pologne pour défendre leur appartenance à l’Union Européenne. Par ailleurs, Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, a déclaré dans Le Grand Entretien de France Inter que “plus de 80% des polonais sont pour rester en Europe”. Le « polexit » nous semble donc encore loin mais cette crise soulève tout de même un enjeu principal, celui du droit européen qui risque de poser plusieurs questions dans les mois à venir.

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