Cela fait désormais plus de huit mois qu’une crise politique sans précédent a débuté au Bélarus. Pour rappel, celle-ci commence officiellement le 9 août 2020, jour d’élection présidentielle. Malgré le puissant mouvement populaire rassemblé derrière Svyatlana Tsikhanouskaya des semaines durant, le Président sortant Alyaksandr Lukashenka est réélu avec près de 80% des voix, et ce pour la 6ème fois consécutive. Le caractère frauduleux de cette élection ne fait aucun doute et une puissante vague de contestation se déploie le soir même. Déterminée, elle perdure tant bien que mal jusqu’à ce jour, malgré la violence de la répression.
Le régime de Lukashenka est un régime autoritaire, parfois considéré par les Occidentaux comme la « dernière dictature d’Europe ». Face au mouvement de contestation, les autorités ne font pas dans la dentelle: détentions arbitraires et violentes, enlèvements, viols et meurtres. Le gouvernement met ainsi en place un contrôle total et dissuasif sur le pays par le biais d’un réseau structuré de forces de l’ordre et de sécurité.
Les figures de l’opposition font également les frais de cette répression. Ces dernières intimidées, parfois violentées, ont alors généralement eu le choix entre l’emprisonnement ou l’exil. Une issue terrible pour une opposition issue en grande partie de la société civile et qui avait fait du pacifisme le maître mot de sa mobilisation.
Au fil des mois, l’opposition bélarusse se structure singulièrement, employant des stratégies peu communes qui déroutent dans un premier temps le régime et ses sbires. Malgré l’exil des principales figures, le mouvement d’opposition perdure de par des techniques inventives, organisées à la fois depuis l’étranger mais aussi localement grâce à des techniques d’auto-organisation innovantes. Le tout renforcé par le soutien d’une partie de la communauté internationale.
Une opposition emprisonnée ou en exil qui cherche à maintenir une pression constante
Créé dès le 14 août 2020 par Svyatlana Tsikhanouskaya, le Conseil de Coordination du Bélarus (CCB) représente l’opposition politique bélarusse. Riche de 5 517 membres, ce collectif est dirigé par un Présidium, un conseil d’administration, composé de 7 membres. Toutefois, aujourd’hui et depuis de longs mois déjà, plus aucun membre du Présidium n’est actif au sein du Bélarus.
La stratégie de Lukashenka est de mettre à l’écart ces opposants. Soit en les contraignant à l’exil afin de les délégitimer face au peuple. C’est le cas d’Olga Kovalkova et de Pavel Latushko – ancien Ambassadeur du Bélarus en France entre 2012 et 2019 – en Pologne ou bien évidemment de Svyatlana Tsikhanouskaya et de son équipe en Lituanie. Soit en les emprisonnant lorsqu’ils refusent l’exil comme Maria Kalesnikava ou Maxim Znak. Il y a bien une exception, celle de Liliya Vlasova, qui demeure au Bélarus sous étroite surveillance.
Cette opposition disséminée a été contrainte de s’organiser afin de pouvoir mener à bien son objectif final : mettre un terme au régime de Lukashenka. Pour cela l’opposition tente de maintenir les contacts avec l’intérieur en créant des ‘ponts’ avec celles et ceux qui continuent le combat depuis l’intérieur. Le CCB s’est ainsi allié avec différents organes logistiques internes et externes au Bélarus pour mener à bien la circulation de l’information ainsi que l’organisation, le développement et le financement de l’opposition. Ces liens s’illustrent souvent par le soutien financier à des mouvements de solidarité ou encore par des chaînes d’informations servant d’intermédiaires à l’opposition en exil. On l’a vu par exemple lors de l’appel à la grève générale lancé via la chaîne “Un pays pour la vie” ou encore “Nexta” par Svyatlana Tsikhanouskaya.
Les leaders de l’opposition, désormais établis à l’étranger, peuvent également compter sur le soutien des membres élargis du Conseil de Coordination qui agissent encore à l’intérieur du pays. Ces derniers appliquent localement les décisions prises par les 70 membres principaux mettant en place les différentes actions initiées depuis l’étranger.
Compte tenu des développements de ces derniers mois dans la région, il est possible de comparer les méthodes et stratégies utilisées par l’opposition bélarusse – et notamment par Svyatlana Tsikhanouskaya – et celle d’Alexeï Navalny en Russie. En effet, la stratégie de l’opposant russe est tout à fait différente puisque ce dernier a décidé de revenir au pays malgré une peine d’emprisonnement et en dépit des risques pour sa propre vie. Si la stratégie de Tsikhanouskaya est plus prudente et réfléchie, cherchant à structurer l’opposition notamment via des appuis étranger, son pouvoir de mobilisation envers les manifestants bélarusses pourrait être de plus en plus compliqué.